Risques psychosociaux
Le risque psychosocial constitue aujourd’hui un des risques majeurs pour la santé du travailleur. Les indépendants, dirigeants de PME et de Très Petites Entreprises (TPE) y sont davantage exposés.
Les risques psychosociaux (RPS) sont inhérents à un excès de stress professionnel, subi pendant une période prolongée. Ils se manifestent par des tensions ou conflits au travail et peuvent atteindre sensiblement votre santé, tout comme celle de vos collaborateurs.
Vous percevez les signes d’une pression trop importante au travail, pour vous et/ou votre équipe ? Voici quelques pistes et outils pour prévenir l’escalade.
Les risques psychosociaux, c'est quoi ?
Le SPF Emploi Travail et Concertation sociale définit les risques psychosociaux comme suit :
« la probabilité qu’un ou plusieurs travailleurs subissent un dommage psychique qui peut également s’accompagner d’un dommage physique, suite à l’exposition à une situation de travail comportant un danger. Cette situation de travail « dangereuse » peut faire référence à l’organisation du travail, aux conditions de travail, aux conditions de vie au travail, au contenu du travail ou aux relations interpersonnelles au travail. »
Ces diverses sources de risques sont reliées entre elles.
Les symptômes du risque psychosocial sont de trois types :
- ÉMOTIONNELS : stress, dépression, burn-out…
- COMPORTEMENTAUX : conflits graves, violence, harcèlement, abus d’alcool et de drogues…
- PHYSIQUES : douleurs articulaires, Troubles Musculo Squelettiques (TMS), troubles du sommeil, hypertension…
Risques psychosociaux : bénins pour l'entreprise ?
« On a souvent tendance à penser : ce n’est pas encore si grave, on peut encore attendre un peu. Je vous conseillerais plutôt de penser : ce n’est pas encore trop grave, alors faisons quelque chose maintenant. »
Hanno Van Eldik, conseiller en prévention, aspects psycho sociaux
En 2015, le spécialiste en ressources humaines Securex publiait un White Paper intitulé : « Stress et burnout : menace pour les travailleurs… et les employeurs ? »
Selon cette étude, près de deux travailleurs belges sur trois éprouvent du stress au travail. Un quart des travailleurs souffrent de troubles physiques et psychiques sous l’effet d’un stress récurrent, tandis que 10% en viennent à développer un burn-out. Les principaux stresseurs rencontrés au sein des entreprises belges sont la charge physique et émotionnelle imposée par le travail, la politique de changement, l’intensité du travail, ainsi que la violence et le harcèlement.
Les symptômes du stress (maux de tête, palpitations, insomnie, perte de concentration, dépression, susceptibilité …) sont responsables de plus d’un tiers des jours d’absence pour maladie et coûtent à l’employeur au moins 3750€ par travailleur et par an. Le coût annuel d’un burn-out pour l’employeur est estimé à plus de 20.000 € par travailleur.
D’après le White Paper « Stress et burn-out » de Securex, janvier 2015
L'entrepreneur davantage exposé au RPS ?
Selon L’enquête réalisée par l’école de santé publique de l’ULB en 2015, les dirigeants de PME et de Très Petites Entreprises (TPE) sont soumis à des pressions supérieures par rapport aux salariés et les symptômes qu’ils expriment (maux de dos, douleurs musculaires, fatigue, dépression…) sont souvent la conséquence des risques psychosociaux.
Une pression démesurée au travail peut avoir un énorme impact sur votre bien-être et celui de votre équipe. Résister trop longtemps à un niveau de stress élevé peut engendrer des troubles du sommeil, diminuer votre capacité de concentration et vos performances. La souffrance professionnelle (physique et psychique) peut également contaminer votre vie privée. Notamment, parce que la fatigue nerveuse accumulée peut vous rendre plus irritable.
« Souvent, j’entends que le burn-out est essentiellement lié à la situation familiale : les gens emmènent les problèmes de la maison au travail et sentent alors plus de pression… Nous savons, d’après des recherches, que c’est le contraire : les gens apportent les problèmes du travail à la maison, dans des mesures beaucoup plus importantes que l’inverse. »
Hans De Witte, professeur de psychologie du travail, KUL Leuven
Les indépendants travaillant seuls sont les plus exposés
La loi sur le bien-être s’applique dès l’engagement d’un ou plusieurs employés. Par conséquent, elle ne couvre pas les entrepreneurs et indépendants travaillant seuls. Si vous êtes dans ce cas, mieux vaut redoubler de vigilance quant à la protection de votre santé au travail.
Pressé par l’urgence de rentabiliser votre entreprise, vous serez tenté de tout accepter et de travailler non-stop. Or, pour éviter la dispersion et l’épuisement, mieux vaut poser vos limites dès le départ. Gardez en vue vos objectifs : ce sont eux qui guident vos choix. Accordez-vous des moments de détente : un bon équilibre entre « temps professionnel » et « temps pour vous » vous permettra de garder la cadence.
Qu'est-ce qu'une analyse de risques ?
En vue de prévenir les risques psychosociaux et leurs conséquences, parfois dramatiques, La loi du 4 août 1996 prévoit que tout employeur veille au bien-être de ses travailleurs, dès l’engagement du premier employé. Dans ce but, il doit effectuer régulièrement une analyse de risques, au sein de son entreprise et envisager des solutions.
L’analyse de risques doit passer en revue les 5 facteurs de risques psychosociaux : l’organisation du travail, le contenu du travail, les conditions de travail, les conditions de vie au travail et les relations interpersonnelles au travail.
Le législateur part du principe que le personnel interne à l’entreprise est le mieux placé pour en évaluer les risques. En effet, vos employés connaissent leurs tâches, ainsi que les conditions et délais de leur exécution. Ils auront une vision plus réaliste et concrète des risques qu’elles comportent. L’analyse de risques implique de consulter votre équipe via un guide de concertation, dont les résultats sont discutés collectivement. L’engagement de vos collaborateurs dans le processus garantit la fiabilité des solutions apportées.
En cas d’accident dans l’entreprise, si un inspecteur vient, il vous demandera le document d’identification de l’entreprise (siège social, nombre d’employés, l’identité de la direction et des différents responsables…) ainsi que l’analyse de risques, comprenant une liste des risques les plus dangereux ainsi que les actions préventives mises en œuvre. Ce document est la preuve que vous avez rempli vos obligations légales en matière de prévention. Si cela n’a pas été fait, le Code pénal social prévoit des sanctions.
10 clés pour prévenir les risques psychosociaux
Minimiser ou négliger les risques psychosociaux peut avoir un impact négatif sur votre santé et celle de vos employés : excès de stress, fatigue chronique, irritabilité, consommation d’alcool ou de drogues, burn-out. Comment prévenir ces risques et leurs conséquences sur la santé de votre entreprise ? Voici 10 points d’attention pour vous protéger efficacement, vous et votre équipe.
- CRÉER UN ENVIRONNEMENT SAIN AU TRAVAIL : trois aspects en particulier créent un environnement propice à la santé et au bien-être professionnel : un rythme de travail modéré, des tâches intéressantes et variées ainsi qu’un certain degré d’autonomie. La combinaison de ces trois paramètres optimisera votre motivation et celle de votre équipe.
- PRÉCISER CLAIREMENT LES TÂCHES ET LES RESPONSABILITÉS : afin d’éviter toute ambiguïté et conflit de rôles, précisez qui fait quoi, pour quand et par quelles actions concrètes. Clarifiez également les responsabilités de chacun. En communiquant un cadre clair, vous augmenterez les performances de votre entreprise.
- DONNER À CHAQUN SA JUSTE PLACE : afin que chacun puisse mettre du sens et de l’enthousiasme dans son travail, veillez à ce que la fonction soit en accord avec les compétences, les tâches et, si possible, les aspirations de chaque employé.
- COMMUNIQUER DE MANIÈRE TRANSPARENTE : donnez une place importante à la communication, en interne (équipe) et en externe (clients, partenaires). Celle-ci doit être claire et fluide ; l’information complète doit parvenir à tous les interlocuteurs concernés.
- APPRENDRE À DÉLÉGUER : en cas de débordement, osez déléguer certaines tâches à des collaborateurs. Si vous leur faites confiance, ils seront plus motivés. Lorsque vous déléguez une mission, vous déléguez également le pouvoir décisionnel et les moyens nécessaires à sa réalisation.
- ÊTRE À L’ÉCOUTE DES BESOINS ET DES SIGNAUX : soyez réceptif aux besoins exprimés par votre équipe, ainsi qu’aux signes de risques psychosociaux : excès de stress, conflits larvés, insatisfaction liée au contenu ou à l’organisation du travail, charge émotionnelle de certaines tâches… Si des signes de tensions ou conflits sont perceptibles, n’attendez pas que cela s’envenime. Une prévention efficace des risques psychosociaux requiert toute votre attention de leader.
- METTRE EN PLACE DES PROCÉDURES D’ÉVALUATION : évaluer régulièrement votre travail et celui de vos collaborateurs, que ce soit de manière individuelle ou collective, permet de garder une vision globale des processus en cours et, le cas échéant, de réaccorder certaines tâches aux objectifs fixés. Une évaluation constructive et bienveillante redonne du sens au travail.
- OPTIMISER LES CONDITIONS DE TRAVAIL : pour votre bien-être et celui de vos employés, adaptez les horaires de travail à l’offre de mobilité. Depuis la crise sanitaire, le télétravail n’est plus l’exception. S’il s’intègre désormais à l’organisation de votre entreprise, veillez à l’équilibre entre présentiel et distanciel, entre travail d’équipe et individuel. Enfin, encourager l’entraide entre collaborateurs peut favoriser l’harmonie entre vies privée et professionnelle (back-up en cas d’absence, covoiturage…)
- SOIGNER L’ENVIRONNEMENT PHYSIQUE DE TRAVAIL : un environnement propre et non pollué influence la motivation au travail : ergonomie, aération, ambiance sonore, thermique et lumineuse, décoration…
- SE FORMER : la gestion d’équipe est une compétence à part entière qui ne s’apprend pas uniquement « sur le tas ». Il existe – justement – un « tas » de formations de qualité à l’art du management. N’hésitez pas à vous y investir : l’organisation et l’ambiance de travail n’en seront que plus propices à la réussite de votre entreprise.
Véronique Crutzen, Responsable ressources humaines au SPF Emploi
OUTILS POUR UNE ANALYSE FIABLE ET GRATUITE
La loi prévoit l’agrément de « Services externes de Prévention du bien-être au travail ». Plus couramment appelés « médecine du travail », ces asbl reconnues par l’État Fédéral, effectuent des analyses de risques pour leurs entreprises affiliées. Affiliation obligatoire et payante, dont le coût varie selon la taille et les risques estimés de votre entreprise.
Pour les PME ou TPE (Très Petites Entreprises), des outils d’analyse de risques sont accessibles gratuitement. En voici quelques-uns, afin d’élaborer une stratégie de prévention adaptée à votre situation.
- LA STRATÉGIE SOBANE : Elle est la pierre angulaire de l’analyse de risques. Développée par l’Institut de Santé Publique de l’UCL et proposée par le SPF Emploi, elle vous permet de mettre en place Le Dépistage Participatif des Risques (DEPARIS), grâce auquel tous les aspects de la vie au travail sont passés en revue.
- ONLINE INTERACTIVE RISK ASSESSMENT – OIRA : Mis au point par l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail, les outils OIRA vous permettent d’établir une analyse de risques, selon votre secteur d’activité et en accord avec la législation locale.
- LE QUESTIONNAIRE « FAIRE LE POINT » : si votre entreprise compte moins de 50 salariés, cet outil français (INRS) vous permet de vous interroger sur la présence ou non des risques psychosociaux au sein de votre entreprise, en répondant à une quarantaine de questions.
CHECK-LIST : AUTO ÉVALUATION
Évaluer les risques psychosociaux, pour vous et au sein de votre équipe, prévient l’émergence de tensions, de conflits ainsi que l’impact de ceux-ci sur votre santé et celle de vos employés. Prenez régulièrement du recul, afin d’identifier ces risques et de construire une stratégie adaptée.
- DIAGNOSTIC : Vous sentez-vous régulièrement stressé ? Avez-vous des difficultés à vous concentrer ? Votre sommeil est-il récupérateur ? Vous sentez-vous irritable ? Vous arrive-t-il de consommer régulièrement de l’alcool ou autres substances pour tenir le coup ? Et vos employés ? Percevez-vous chez eux ce type de symptômes ? Expriment-ils des insatisfactions ou besoins particuliers ? Comment est l’ambiance de travail ? Observez-vous des signes de tensions ou conflits ?
- CAUSES : l’organisation du travail est-elle efficiente ? Les fonctions et les tâches sont-elles clairement définies et communiquées ? Sont-elles suffisamment variées et adaptées aux compétences ? Le travail est-il évalué régulièrement ? La charge et le rythme de travail sont-ils « tenables » à long terme ? Votre style de management est-il moteur de performance ? Les horaires de travail sont-ils adaptés à la mobilité ? Permettent-ils l’équilibre vie professionnelle/vie privée ? Le télétravail est-il possible ? Dans quelles conditions ? L’environnement de travail est-il agréable ?
- STRATÉGIE DE PRÉVENTION : Que pouvez-vous mettre en place pour prévenir les risques psychosociaux, pour vous et vos employés ? Comment améliorer les conditions et l’environnement de travail ? La communication, les relations interpersonnelles ? Quels sont les personnes de référence qui pourraient vous guider et soutenir votre stratégie de prévention (conseiller en prévention, personne de confiance, médecin du travail…) ? Quels outils d’analyse de risques sont les plus adaptés à la situation de votre entreprise ? Comment mobiliser et impliquer votre équipe pour co-construire une stratégie de prévention ?
Ressources
Consacré à la prévention des risques professionnels, à la sécurité et à la protection de la santé au travail, BESWIC propose une série d’outils pour vous aider à construire votre stratégie de prévention.
Au moyen d’animations, d’images, de vidéos… cet outil convivial vous permet de comprendre simplement la législation sur le bien-être au travail et ses grands principes.
Très complet et pratique, ce guide vous aide à mettre en place une démarche de prévention des risques psychosociaux adaptée à votre entreprise.