Jonathan Willems
Psychologue, spécialisé dans le grand âge
Présentation
« Psychologue indépendant, j’interviens auprès de personnes âgées en maisons de repos et de soins, à Bruxelles. Je propose un accompagnement individuel et collectif : ateliers à médiation musicale et interventions de clown relationnel, pour personnes au vieillissement cognitif difficile, notamment atteints de la maladie d’Alzheimer. Je propose des ateliers : prévention du stress, accueil de vécus difficiles, empathie non-verbale, constellations familiales. »
J’ai décidé de faire ce que j’aime et de gérer mes priorités
On dit souvent que la liberté de l’indépendant est de pouvoir gérer son temps comme il veut…
Oui, je vis la gestion du temps comme une liberté. Cela va de pair avec l’auto discipline. Il faut s’adapter à des variations de rythmes : des moments de creux suivent les périodes intenses. J’essaie d’organiser les choses de manière précise, d’aménager des moments de respiration à l’intérieur du planning. Le temps a tendance à se remplir seul…
Ta manière de gérer le temps a-t-elle évolué ?
Au début, j’acceptais tout parce que j’étais en lancement. A un moment, j’ai eu l’impression de ne plus avoir de temps, d’être dépassé. J’ai réajusté progressivement et recentré sur l’essentiel. J’essaie d’intégrer le temps « administratif » dans la semaine de travail et non le soir et le week-end, de m’y pencher régulièrement et non en un bloc en fin de mois.
Aujourd’hui, connais-tu ton rythme et tes limites personnelles ?
Dès le début de mon lancement, le respect de mes limites a été un point d’attention. Suite à d’autres expériences professionnelles, j’ai décidé de faire ce que j’aime et de gérer mes priorités. Je connais mon rythme. Je tente de lui donner pleine place. Ce n’est jamais acquis. Cela aide de faire le point, dessiner l’idéal, le viser, ajuster.
Combien d’heures prestes-tu en moyenne par semaine ?
C’est difficile à dire. Il y a les heures d’accompagnement « pur », le travail en amont, le travail en aval : l’administratif, les contacts, les formations, les lectures, les préparations, les supervisions et intervisions… Je n’ai pas l’impression de « trop » parce que je peux décider de mon temps : ça ne me dérange pas de travailler le week-end ou le soir mais je suis content de pouvoir prendre parfois une demi-journée pour respirer en semaine.
T’arrêtes-tu régulièrement pour faire le point ?
De temps en temps, je fais le point sur un sous-segment du projet et parfois aussi de manière globale. Pour l’instant, je repense les formations. Les périodes « creuses » sont propices. Il faut pouvoir les provoquer, en barrant certains jours dans son agenda. Ce n’est pas simple de faire entrer du temps de « développement » dans le temps dense d’activités. Un défi pour rester créatif et évoluer dans la durée.
Pour éviter le stress, je me centre sur mon « cœur de métier »
Quelles sont les situations qui génèrent du stress ?
Un volume trop dense, sans marge pour intégrer l’imprévu. Quand ma « to do list » se remplit deux fois plus vite qu’elle ne se vide. Je suis en cheminement par rapport à la « to do list » : Comment en faire une alliée ? Cela touche à la question du perfectionnisme, de l’exigence envers soi-même, au ratio entre planifier et garder du mou pour les opportunités, les rencontres de la vie. Pour garder ce mou, il faut entrer dans une confiance, un lâcher-prise. C’est un équilibre subtil à chercher…
Comment ressens-tu le stress dans ton corps ?
Des tensions dans les épaules, la nuque, la mâchoire, le bas du dos, l’estomac. Une respiration courte. Une sensibilité à fleur de peau. Une concentration diminuée.
Quel moyen trouve-tu pour faire baisser la pression ?
Apurer la « to do-list », mais ça peut être piégeant. Aménager régulièrement et à l’avance des moments de formation, supervision, des poches de détente, des journées off. Cela ressource et permet de prendre du recul. J’essaie de tirer les leçons de périodes de stress, d’identifier les choses sur lesquelles j’ai une prise et de les changer (priorités, partenariats, champs d’action, routines…).
Fais-tu régulièrement des pauses ? Pars-tu en vacances ?
J’essaie de méditer régulièrement, c’est important pour moi ces moments de vide. Je suis dans un cycle de formation avec weekends de trois jours tous les 2-3 mois. Ces moments renouvellent ma présence. Je pars en vacances. J’aime me ressourcer à Bruxelles si je ne travaille pas.
T’arrive-t-il de déléguer certaines tâches (à des partenaires, à ton entourage) ?
Oui. Si je ne peux pas répondre à la demande, je peux recommander quelques personnes. Au niveau de la gestion administrative et comptable de mes activités, je travaille via une coopérative d’indépendants, Dies.
T’arrive-t-il d’accepter une demande, même si tu sens que ce n’est pas tout à fait dans tes cordes ?
Non, plus aujourd’hui. Au début, quand je me suis lancé, il m’a été nécessaire d’accepter voire de provoquer des demandes de ce type. Après, j’ai réalisé qu’un moyen d’éviter le stress était de me centrer sur mon « cœur de métier », les choses que j’aime faire et que je maîtrise. Si je sens que je ne pourrai pas répondre à la demande, je réoriente la personne vers un autre type d’accompagnement ou de ressource.
L’hyperconnectivité est-elle un facteur de stress ?
Ca l’a été. Peu à peu, j’ai pris des libertés par rapport à la pression des sollicitations permanentes. Par exemple, j’ai désactivé les notifications sur mon téléphone et je prends rarement les appels en direct. Je réponds sur base d’un rythme défini par moi-même, en fonction de mon évaluation de l’urgence. Je ne ressens plus de stress lié à cet aspect même s’il y a encore des « coups de rush ».
Au fil du temps, as-tu changé ta manière de gérer le stress ?
Oui. Ma vie professionnelle a commencé il y a un petit temps. J’ai donc un parcours d’évolution par rapport à la gestion du stress. Ça n’aurait pas été comparable si je m’étais lancé comme indépendant à 25 ans. Je me suis lancé à 40 ans et j’avais déjà roulé un peu ma bosse. Je suis plus serein aujourd’hui. Je mets mieux mes limites. Je communique plus clairement. Je ne m’autorise plus à me mettre une pression démesurée.
Quand je me lève, j’ai tres rarement les pieds de plomb
Crois-tu dormir suffisamment ? Combien d’heures en moyenne dors-tu par nuit ?
Je dors en moyenne 6 à 7 heures par nuit. C’est un peu juste. J’aime la nuit, elle me ressource et m’apaise. Ma vie actuelle me mène à me lever tôt la plupart du temps. Je cherche encore comment concilier ces deux pôles ! Une sieste courte (15-20 minutes) est une piste, quand l’environnement le permet.
Au cours des derniers mois, as-tu eu des troubles du sommeil ?
Non. Je suis plutôt un bon dormeur, quand j’ai l’occasion de dormir. La disparité des rythmes n’est parfois pas facile à gérer : certains jours, je dois me lever tôt tandis que d’autres je peux dormir plus.
Le soir, avant d’aller dormir, penses-tu à la journée du lendemain ?
Non, pas trop. Je regarde mon agenda pour les grandes lignes de la journée. Certains soirs, je réfléchis à l’évolution du projet ou je suis pris dans des lectures « professionnelles ». Ça peut prendre de la place mais ce n’est pas du stress, c’est plutôt de la stimulation, que je dois parfois dominer. Par exemple, un des axes de mon projet est la musique, comme porte d’entrée avec les personnes atteintes de démence. Comme ça me passionne, il m’arrive de passer 4, 5, 6 heures à chiner des musiques sur internet et à les classer. Et puis, il est… 2 heures du matin ! Ça ne porte pas atteinte à mon équilibre car c’est une activité qui m’exalte, me motive. Le lendemain, en accompagnant une personne ou lors d’un atelier, il est possible qu’une pépite dénichée la veille soit exactement celle dont nous avions besoin.
Comment te sens-tu au lever ?
Je me sens bien, content de commencer une journée, me réjouissant à l’idée des personnes que je vais rencontrer, des résidents que je vais accompagner, des ateliers que je vais donner ou suivre. J’ai très rarement les pieds de plomb.
Croire en la valeur de ce qu’on fait
C’est quoi pour toi le « bien-être au travail » ?
Faire un métier correspondant à ses compétences et talents, dans un environnement humain, clair, responsabilisant, équilibré au niveau de la charge de travail et de la rémunération et ouvert en termes de perspectives.
Comment se passent les relations de travail (clients, partenaires) ?
Très bien. Les relations sont différentes de celles d’une structure hiérarchique : on est dans des rapports transversaux. Avec une dimension financière, certes, mais à partir du moment où l’on fait ce que l’on aime et qu’on le fait bien, qu’il y a de la clarté et de la confiance, les autres personnes sont aussi dans cette dynamique-là. Pour moi, c’est assez serein.
Tu choisis aussi tes clients selon tes affinités ?
Oui, de plus en plus. En particulier l’adéquation entre le besoin, ce que j’offre et le champs des possibles. J’ai appris par essais et erreurs, en m’embarquant parfois dans des choses non optimales. C’est important de se recentrer régulièrement sur son projet, ses valeurs, ses objectifs, d’identifier le plus précisément son talent et de croire en la valeur de ce que l’on fait.
Pédaler en ville, méditer au jardin et… danser au salon
Que choisis-tu comme moyen(s) de transport ?
J’utilise prioritairement le vélo et, quand il fait vraiment moche, je loue ou on me prête une voiture. Parfois je loue une trottinette ou un vélo électrique. C’est pratique mais c’est un budget, il faut doser.
Prends-tu en compte les déplacements dans l’organisation de ton agenda ?
Oui, c’est impératif. J’ai parfois des problèmes de mobilité, même en vélo. Il m’arrive de voyager loin de chez moi et certains jours, je dois me secouer pour traverser la ville à vélo. Se déplacer à Bruxelles n’est pas toujours serein. Au niveau sécurité, il faut être hyper vigilant.
Est-ce important pour toi de pratiquer une activité physique ?
Le vélo me fait du bien. Le jardinage, comme exploration méditative, contemplative, créative me ressource. Je participe à des ateliers de danse, de mouvement, d’improvisation, de présence sur scène. Si j’ai besoin de me défouler, je mets de la musique à fond dans mon casque, je danse, je crie et je chante. C’est comme si je faisais du sport.
Faire un métier que j’aime m’a aidé à arrêter de fumer
Comment qualifierais-tu ton alimentation ?
Plus saine qu’hier et moins saine que demain. Globalement, relativement équilibrée… J’ai arrêté de fumer il y a un an, du coup, j’ai aussi pratiquement arrêté de boire de l’alcool, des sodas. Parallèlement, je me nourris mieux.
T’arrive-t-il de manger au resto avec des clients ou des partenaires ?
Rarement. Je préfère l’informalité. Échanger autour d’un café en journée, d’une tisane en soirée, d’une rencontre dans un parc.
Qu’est-ce qui t’a aidé à arrêter le tabac ?
Le fait de m’être lancé comme indépendant, de faire un métier que j’aime, de me sentir dans mon axe. Me déplacer presque uniquement en vélo, autre conséquence de l’arrêt du tabac m’a aidé. Pédaler comme moyen de se défouler, de compenser. La musique forte, avec des basses profondes, au casque.
Retour humain sur investissement authentique
As-tu des difficultés à concilier vie privée et vie professionnelle ?
Non. Il y a des vases communicants entre mon privé et mon professionnel, sans empiètement trop important. J’ai la chance d’avoir une activité où je peux, dans une certaine mesure, moduler le volume, en fonction de mes contraintes familiales et vice versa. Je vis partiellement seul aussi, c’est plus facile. En couple, c’est une dimension à prendre en compte, quand le professionnel empiète sur des horaires communs. Surtout en période de conception et de lancement d’activités.
T’arrive-t-il de reporter/annuler des engagements privés pour répondre à des obligations professionnelles ?
Je veille à ce que cela reste limité. Par exemple, la veille de donner une formation, je ne sors pas. La pose de limites est importante, surtout dans des métiers d’aide aux personnes. C’est notre responsabilité propre.
Ton parcours professionnel a-t-il eu une influence sur ta confiance en toi ?
Mon parcours professionnel oui, et surtout, le fait qu’aujourd’hui, je fais un métier qui est juste pour moi.
Qu’est-ce qui renforce ta confiance en toi ?
De sentir que mon accompagnement fait du bien aux personnes, en profondeur. Quand elles me le disent. Les retours qu’on me donne et que je sens. La liberté d’être indépendant, le sentiment d’avoir les choses en main. L’élan d’explorer, d’approfondir, d’élargir. L’envie de donner, de créer, de transmettre.